Photographies
Frédérique Bouet
La Galerie

 

Il y a dans la photographie un étrange ancrage au temps, à la lumière et au silence. A la mémoire aussi.

 Il n’y a rien à faire contre la fragilité du passé. Il est par nature oblitéré par le sceau du présent. Entaché par la vivacité et l’acuité de celui-ci. Exilé par l’exigence têtue et intransigeante du quotidien, de ses impératifs qui nous entraînent et nous éloignent de nos intentions. Toujours plus loin, nous séparant sans cesse de notre ancrage et de nos origines. Et de nous-mêmes à chaque pas. Un peu plus à chaque fois. Violence.

Il n’y a rien à faire contre cette dérive, cette érosion permanente de la « souvenance ».
 La mémoire nous glisse entre les doigts. Elle nous laisse bredouilles. A l’image de la ligne d’horizon qui se dérobe à mesure que nous avançons. Elle reste à portée. Toujours. Trouble.
 
C’est à cause du temps. De la flèche qu’il décoche et qui nous traverse comme une petite mort au cœur de chaque instant.
Il nous épingle.
Et nous voilà insectes malgré nous. Ephémères à l’échelle du temps. Il ne nous reste que le choix de la résistance ou de l’acceptation : légère et volatile ou bien caparaçonnée, empêtrée et fataliste. 
A choisir, je préfère le papillon. C’est peut-être le seul qui porte avec autant de grâce le poids de son bref destin : il vole.
Alors je photographie la volatilité et la petite musique du temps qui passe. Et les traces de l’oubli sur la mémoire.
 
Le processus créatif de mes images s'apparente au processus du souvenir
Mon travail est souvent constitué de séries. Il procède de la collection, de la juxtaposition. Il fonctionne comme autant de petites mémoires, de fragments de temps enregistrés et superposables.
J’essaie de restituer la complexité du processus mémoriel dans des palimpsestes photographiques qui permettent une mise au point sans focale, un jeu d'accommodation visuelle en mêlant, condensant, superposant différentes images tout comme la mémoire enregistre différentes temporalités - celle du passé, celle du présent, celle de la mémoire qui se prolonge dans la perception du moment présent, celle de l'imagination.
il s'agit d'une réflexion sur le temps, le passage, la traversée, les trajectoires et le hasard : tout ce qui constitue la petite musique de la vie.
 

Frédérique Bouet